Jochiro marchait nonchalamment et lentement dans une direction quelconque, ça lui importait peu. Il avait amassé beaucoup de joyaux ces dernières semaines, bien assez pour survivre plusieurs mois, il en avait caché la majeure partie dans des endroits surs. Il pouvait consacrer un peu de temps pour lui, pas parce qu'il le voulait, mais, selon ses sources, parce que les missions étaient à un point mort ces temps-ci et la majeure partie des mercenaires étant sur la paille. C'est la *saison morte* comme il aime l’appeler, ça arrive aux alentours des mêmes dates à tous les ans. Personne ne sait vraiment pourquoi ça se produit. Les missions cessent tout d'un coup, et ce, pendant plusieurs jours, parfois quelques semaines. Qui sait, peut-être utiliserait-il ce temps pour s'entraîner, se perfectionner, mais toujours en restant sur ses gardes, on ne sait jamais quand un certain homme masqué pourrait surgir essayant de vous tuer~

Bref, le jeune homme de 23 ans marchait, les yeux rivés sur le paysage. Il longeait les montagnes, admirant la beauté naturelle des lieux, ainsi que la plaine se situé à l'opposé. C'était totalement désert, aucun animal, aucun son mis à part ses pas résonant sur le chemin rocailleux. Il faisait chaud, le soleil était à son zénith, aucun nuage dans le ciel. C'était agréable. Être seul en cette si belle journée, personne pour le déranger... Au bout d'un moment, le manieur commença à avoir bien chaud sous son manteau sombre, fort heureusement il y avait un arbre au loin, étrangement c'était le seul aux environs. Jochiro ne s'attarda pas à ce petit détail et se mis à marcher dans sa direction. Il y parvint bien assez vite.

<< Enfin de l'ombre. Je commençais à fondre sous ce soleil de plomb. >>

Jochiro déposa son sac sur l'herbe, retira son manteau, le mis sous ses fesses et s'assit, adosser à l'arbre. Il prit une outre remplis d'eau dans son sac et en bus près du quart. Il était impossible de savoir combien de temps il resta adossé à cet arbre, écoutant le sifflement du vent se mêlant au bruit des feuilles. Il réfléchissait, se perdant dans ses pensées. Le temps s'arrêta, il cessa d’exister. Seule la brise légère flattant doucement son visage, ainsi que le bruit des feuilles dansant au gré de celle-ci existait à présent. Il pensait, où peut-être rêvait-il? Il était impossible de savoir. Des images défilaient dans son esprit, une femme se tenait devant lui, à quelques pas où plusieurs centaines de mètres devant, impossible à dire. Ils se tenaient tous deux sur cette plaine, le ciel était maintenant parsemé de nuages gris, mais derrière la silhouette de cette fille, un coucher de soleil éclatant perçait les nuages, c'était simplement magnifique. La jeune femme se retourna vers Jochiro, sa chevelure d'un blanc majestueux était embellie par les rayons du soleil. Cette femme, Jochiro la connaissait. Il l'avait déjà rencontré. Pourquoi la voyait-il maintenant? Dès que cette question traversa son esprit, la jeune femme disparue, l'univers s'écroula et le temps se remit à exister. Tout se fit en une seconde. Jochiro ouvrit calmement les yeux, remarqua que le soleil était déjà bien bas. Combien de temps avait-il dormi? Peu importe. Ce qui lui importait vraiment était pourquoi avait-il vu cette fille...Chidori. Jochiro ne fit pas de feu cette nuit-là, il sortit simplement une couverture de son sac, étala son manteau sous lui et s'enroula autour de la couverture. Il dormit très peu cette nuit-là, perdu dans ses pensées, se demandant pourquoi avait-il vu Chidori à cet instant, sur cette plaine, elle était si jolie... Il ne put s'empêcher de repenser à leur première rencontre…

C'était il y a deux ans, il avait été gravement blessé lors d'un combat ayant éclaté alors qu'il retournait à Freistya afin d'y réclamer la récompense d'une mission qu'il avait mené à bien. En chemin il s’était battu contre un groupe de mages, ceux-ci réclamant l’objet de sa mission. Le combat faisait rage sur la plaine, après non loin de dix minutes de combat intense Jochiro, gravement atteint dû se retirer en urgence. Celui-ci sauva de justesse sa vie en usant de ses dernières forces afin de se téléporter vers la ville rebelle. Il avait réussi à s’en sortir et s’était téléporté dans les bois près de la ville. À peine conscient, tentant désespérément de soigner ses blessures grâce à son Holy Ärm, agonisant dans son propre sang, une jeune femme accourue vers lui, elle était resplendissante avec ses ailes blanches majestueuses.

<< On dirait un ange... elle est vraiment jolie... je vois, je vais mourir... ici. >> C’est la dernière chose que Jochiro pensa avant de perdre conscience.

Incapable d’ouvrir les yeux, il entendait du bruit tout autour de lui, ses blessures le faisaient extrêmement souffrir, mais il était incapable d’émettre le moindre son. Il resta cloitré dans cet état un long moment. Lorsqu’il s’éveilla soudain de sa condition, il ouvrit les yeux. Le manieur regarda autour de lui, il se trouvait dans une pièce faiblement éclairé par seulement quelques bougies, une petite table de bois était collée au lit où il se trouvait. Il constata qu’il était presque nu, même son cache-œil avait été retiré, il vit qu’une grande partie de son corps était recouvert de bandages. Sans même les avoirs sur lui il ressentait la présence de ses Ärms, ceux-ci liés à lui. Il les chercha des yeux et les vis dans un coin de la pièce, avec ses vêtements, il fut rassuré. Un bureau de bois se trouvait au fond de la petite pièce, une personne était assise sur une chaise juste devant. Le manieur la décrivit lentement. C’était sans aucun doute une femme, elle avait une longue chevelure blanche touchant presque le sol ainsi qu’un bel habit bleu arborant probablement un signe religieux quelconque. Jochiro tenta de s’asseoir mais la douleur le cloua sur place et il laissa s’échapper un gémissement de souffrance. La jeune femme se retourna vers lui et dès qu’il la vit il se rappela cet ange qu’il avait aperçu juste avant de perdre connaissance. C’était elle, ça ne fait aucun doute, son visage angélique lui revint à l’esprit immédiatement. Son corps paraissait jeune mais ses yeux trahissaient son âge. Elle semblait pâle, cela contrastait beaucoup avec l’obscurité régnant dans la pièce.

Elle se leva de sa chaise et vint s’asseoir sur le lit tout près du manieur. Elle le regarda fixement dans les yeux pendant plusieurs minutes, sans bouger. Jochiro eu l’impression qu’elle sondait son âme, qu’elle pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert. Quant à elle, il vit dans ses yeux toute l’assurance qu’elle possédait, son corps semblait si fragile tandis que son regard trahissait une grande force de caractère. Il ne put soutenir son regard bien longtemps, la sensation qu’il ressentait le mettait mal à l’aise, il détourna finalement le regard. Aussitôt, la porte s’ouvrit et une femme entra dans la pièce, elle portait une espèce d’armure difficilement distinguable dans la délicate obscurité. La femme avait des cheveux rouges écarlates qui semblaient enflammés sous une faible lueur comme celle qui régnait dans la pièce. Elle portait un sceau d’eau et le déposa près du lit sans m’adresser un seul regard. Pourtant elle regarda la femme qui était assise sur le lit pendant quelques secondes et fini par sortir de la pièce. La femme ramassa un chiffon sur la table de chevet, le trempa dans l’eau puis le tordu au-dessus du sceau afin d’en extraire l’excédent d’eau, ensuite elle le déposa sur le front du jeune homme visiblement gêné. Ainsi, sans un mot, elle épongea la sueur qui lui perlait sur le visage ainsi que sur le torse. Jochiro n’était nullement habitué de se faire toucher ainsi, normalement il soignait lui-même ses blessures, mais là c’était différent. Il avait subi de graves blessures, et si cela n’avait pas été de cette femme il ne s’en serait pas sorti vivant. Ah oui, mais comment avait-elle fait au juste ? Et ses ailes, n’étais-ce qu’une hallucination? Le jeune manieur se décida à briser le silence.

-Mer...

-Chuuuuut, dit-elle d’une voix réconfortante.

Ainsi, la nuit se passa sans un mot, ou presque. La jeune femme termina d’éponger le corps du manieur et resta à son chevet jusqu’à ce qu’il s’endorme, visiblement encore faible.

Jochiro s’éveilla au matin, entendant le chant des oiseaux. Il n’y avait personne dans la pièce. Il essaya de se s’asseoir sur le lit, son corps ne lui faisait que peu mal maintenant et il réussit sans peine à s’asseoir. Il enfila lentement ses vêtements, en commençant par son cache-œil garder son œil trop longtemps ouvert le vidait progressivement de son énergie, l’une des contreparties à posséder un trio d’Ärm légendaire. Lorsqu’il fut habillé il remit ses Ärms en place et sorti de la petite pièce. La lumière du jour l’aveugla, le clouant sur place pendant quelques secondes. Lorsqu’il s’habitua à la lumière il regarda autour de lui et il la vit assise sur une chaise près de la porte, elle le fixait et semblait heureuse. Jochiro se dirigea vers elle, elle se leva. Le manieur la dépassait de plus d’une tête. Elle l’invita d’un geste à marcher à ses côtés dans le couloir, il accepta évidemment. Ils marchèrent en silence sur quelques mètres quand elle finit par briser le silence.

-Je me nomme Chidori Hoshiyuki et ceci est mon église. Vous étiez gravement blessé lorsque je vous ai trouvé, j’ai dû vous soigner sur place, ensuite je vous ai fait transporter jusqu’ici afin de vous administrer les soins adéquats.

-Je vous serai infiniment reconnaissant pour ce que vous avez fait, sincèrement. Je me nomme Jochiro Bayakuu, je suis un manieur d’artéfact neutre. Si cela n’avait été de votre intervention je serais probablement mort dans ces bois.

Ils se sourirent mutuellement et continuèrent à marcher. Elle lui expliqua ainsi pourquoi elle était à Fiore, le but de sa mission ainsi que le concept de sa religion. Ils se rendirent ensemble jusqu’à la porte d’entrée de l’église.

-Intéressant. Ainsi, vous espérez inciter la paix entre les deux partis en insérant une nouvelle religion dans ce pays et en ralliant des fidèles à votre cause. C’est bien pensé, mas ça prendra du temps avant de produire un réel effet sur la guerre... Vous m’avez sauvé, la moindre des choses que je puisse faire pour vous est de soutenir votre cause ainsi que votre religion. Malheureusement je n’ai que très peu d’argent sur moi mais je vous promet que je reviendrai, le marché des missions va très bientôt être surchargé.

Sur ces mots Jochiro s’en alla, non sans saluer comme il se devait la femme qui l’avait sauvé. Il aurait voulu rester plus longtemps avec Chidori, mais il avait des horaires à respecter et une récompense à réclamer. Mais il reviendrait bientôt oh oui, il reviendrait.


Deux années passèrent depuis cette fois-là. Jochiro avait tenu sa promesse et était aller la voir de temps à autres, lorsqu’il n’était pas débordé de missions. Cette péripétie de sa vie lui avait rappelé pourquoi il n’avait pas pris part à cette guerre et les choses qu’il s’était dit avant de commencer sa mission. Ça lui avait remis les pendules à l’heure, et pour de bon cette fois.
Beaucoup de questions traversèrent son esprit cette nuit-là, mais il ne trouva aucune réponse.

La nuit passa ainsi. Lentement, mais rapidement.