Réveillé le doute (pv Darugo)

Le soleil venait à peine d'apparaitre que déjà Azami ouvrait l’œil. Ce charmant donneur de lumière la réveillait toujours, quelque soit l'heure. En l’occurrence, il devait être très tôt, puisqu'elle n'entendait pas encore le tumulte de la rue, les bruitages caractéristiques de cette belle capitale. En grommelant, elle se retourna de l'autre coté du lit, pour être dos à cette astre beaucoup trop lumineux dès le début de la journée.

Je vais paresser un peu. Une fois de temps en temps ça ne fait pas de mal. Et puis Darugo n'a rien prévu pour aujourd'hui, alors profitons de cette journée de repos.

En pensant à Darugo, elle s'immobilisa. Elle ouvrit lentement les yeux et ne vit en face d'elle qu'un vide, comblé par un coussin. Où était il encore passé ? Normalement, il devrait se trouver allongé à quelques centimètres d'elle, ou bien debout en train de la regarder. Mais non, monsieur était parti discrètement sans prévenir. Il ne semblait n'avoir même pas dormi ici, aucune de ces affaires n'étaient à leur place. Cela n'était pas la première fois qu'il avait recours à ce petit manège, de partir dès qu'elle s'endormait. Il avait quelque chose à cacher, et elle découvrirait bien un jour son secret. Mais pour l'instant, elle décida de se lever, et de voir s'il n'était pas ailleurs dans ce qui leur servait de maison.

" Darugo, tu es là ?"

Elle l'appelait par mesure de précaution, il était peut être encore là. Il se levait toujours avant elle, alors... Mais seul le silence lui répondit, et elle du se faire à l'évidence : il n'était pas là. Cela faisait quelques mois que sa vie avait changé, qu'il l'avait recueillie et qu'ils habitaient ensemble. Azami n'avait rien décidé de tout cela, petit à petit les choses ce sont mise en place, et ils partageaient maintenant le seul lit de leur refuge.

Puisqu'il n'est pas là, je pourrais aller au marché pour voler quelques pommes. Il ne faut pas que je perde la main. Et puis cela fait une semaine que le garde manger est pratiquement vide, il est temps de me remplir le gosier.

Elle retourna dans la chambre, se changeât rapidement, adoptant sa robe la plus simple et passe partout (d'un coté, elle n'en a qu'une seule, le choix est vite fait), prit sa sacoche, et se dirigea vers la porte. Vérifiant qu'elle n'avait rien oubliée, elle ne fit guère attention au bruit de pas qui approchait. En chantonnant, elle tourna la clé dans la serrure, ouvrit la porte pour se retrouver nez à nez avec...

"Bonjour Darugo, comment vas tu ?" bredouilla Azami devant le jeune voleur interloqué.

Cette nuit-là, Darugo était allé à l'autre bout de la ville, dans les quartiers de la haute, pour débourser un honnête gens de quelques biens qui ne lui étaient pas très utiles malgré qu'ils valaient leur pesant d'or. Bien sûr, il n'avait pas emmené Azami ! C'était même impensable. Elle était trop jeune, pas assez habile et risquerait sa vie inutilement. Ce n'est pas qu'il la considérait comme un poids mort, mais qu'il valait mieux qu'il y aille seul.

Avant de partir, il avait regardé la jeune femme s'endormir profondément pour s'assurer qu'il ne la réveillerait pas en partant. Il partageait le même lit, mais simplement parce qu'il n'était pas nécessaire d'en avoir un autre. Il restait toujours éloigné d'elle pour qu'elle ne pense pas qu'il pouvait profiter de la situation.
Il avait revêtu son habit de Patte noire et était sorti sans un bruit, en oubliant pas son sac. Elle ne l'avait jamais surpris alors qu'il partait, et il revenait toujours avant le lever du jour pour qu'elle ne se doute de rien. Du moins croyait-il qu'elle ne s'en apercevait pas.
Il remplit son cambriolage sans trop de problème... Si ce n'est un domestique qui lui sauta dessus avec un couteau sans qu'il ne l'aie vu avant. Bon, il ne s'en tira qu'avec une entaille au bras gauche, qu'il ne pensait que superficielle. On ne pouvait en dire autant du serviteur. Non, il ne l'avait pas tué. Il lui avait juste très certainement cassé le bras et assommé. C'était l'heure de décamper. Il repartit en quelques instants et ne fut pas plus inquiété.

Il se rendit ensuite dans un coin beaucoup moins chic de la capitale, pour échanger ses "trouvailles" contre une espèce sonnante et trébuchante. Enfin, il reprit le chemin de chez lui. En passant par l'une des rues marchandes, il acheta un peu de nourriture à un commerçant déjà ouvert. Arrivé, il grimpa les marchandes quatre à quatre et alors qu'il allait sortir sa clé, il se retrouva face Azami. Et zut. Elle allait se douter de quelque chose... Il faut dire qu'avec sa tenue et un foulard autour du cou, ça changeait de d'habitude... Et puis... Il jeta un coup au bandage dont il avait recouvert sa blessure, et qui avait été quelque peu rougit, en espérant qu'elle ne le verrait pas... Il pouvait toujours espérer. Il prit un air gêné.

Bonjour. Je vais bien et toi ?

Sans vraiment lui laisser le temps de répondre, il lui tendit le sac de nourriture.

J'ai été chercher à manger avant que tu ne te réveilles.

Il la poussa doucement à l'intérieur et referma la porte derrière eux, en jetant un coup d’œil dehors avant.

"J'ai été chercher à manger avant que tu ne te réveilles."

La belle affaire ! C'est trop facile comme excuse. Il n'est même pas vêtu comme d'ordinaire. Je sens bien que quelque chose ne va pas. Cette air gêné qu'il affiche, je sais bien ce qu'il signifie. Il me ment c'est évident. Mais d'un coté... Le garde manger est vide, il devait aller chercher des provisions. Et pour le foulard, il avait peut être froid ?

Azami essayait par tous les moyens de se convaincre qu'il ne lui mentais pas, mais au fond d'elle, elle le savait. Depuis le début, Darugo lui avait semblé spécial, hors des normes et des règles. Quand elle avait acceptée de rester avec lui, elle se doutait que l'aventure serait intéressante. Lui aussi, s'il le voulait, aurait droit à sa chanson. Car son histoire doit être grande, pour être montrée aussi peu. Mais Azami n'était pas ici juste pour lui chanter la sérénade, mais parce qu'elle avait trouvée un ami qui voulait l'aider. Et jamais elle ne se serait permis de le trahir et malgré ses doutes, elle avait une totale confiance en lui.

"Passe moi ton sac, je vais ranger tout ça. Il faut bien que je me rende utile"

Sans attendre sa réponse, elle lui prit le sac des mains, et vit alors le bandage sur son bras gauche. Elle posa calmement le sac sur la table, se retourna et l'observa longuement. Elle s’approcha de lui, et examina de plus près son bras. Le bandage s'était légèrement défait, et la plaie saignait encore. Tremblante, elle dit pourtant d'une voie cassée :

"Darugo..."

Ça ne passerait pas. Darugo avait bien vu à l'instant le questionnement dans les yeux d'Azami, et il se doutait qu'elle se demandait s'il disait la vérité... Cependant, elle ne dit rien. Elle se contenta de prendre le sac contenant la nourriture des mains du jeune homme pour commencer à déballer les mets. Mais il n'avait pas fait trois pas qu'elle se retournait, les yeux fixés sur le bout de tissu qui entourait son bras... Oups. Il n'avait pas eu le temps de le cacher. Elle l'observa pendant bien la moitié d'une minute, sans qu'il ne puisse rien dire. En même temps, que pouvait-il lui dire ?
Elle finit par s'approcher pour examiner la blessure et dire son prénom d'une voix tremblante et cassée. Il prit doucement les mains de la jeune femme dans les siennes en souriant.

Ne t'inquiète pas, ce n'est rien, juste une petite entaille. Ça va se refermer tout seul.

Il lui sourit à nouveau et lui tapota la joue puis s'éloigna vers l'armoire afin de prendre des vêtements propres, puis rentra dans la salle de bains. Il ferma la porte le temps de changer de pantalon puis examina lui aussi correctement sa blessure en enlevant le bandage, et en restant torse nu. Moui, une petite entaille un peu grande quand même... Il soupira. Bah, ce n'était pas la première et pas la dernière. Il sortit un bandage propre et l'enroula soigneusement autour de la plaie. Puis il ressortit dans la pièce principale.
Il revint vers Azami.

Tu vois, c'est pas grand comparé à celle que j'ai là ou là, alors t'en fais pas. dit-il en montrant deux cicatrices assez large au niveau du haut de sa hanche et juste en-dessous des côtes.

Le temps se figea quelques instants. Puis, pendant que Darugo partit panser sa blessure, milles questions surgir dans son esprit. Pourquoi ? Bien sûr, il était tout à fait normal de voir un jeune homme revenant des courses entaillés au bras à coup de couteau... C'est sûrement le cuisinier qui lui avait fait cela, en lui coupant la viande qu'il venait d'acheter. Ce genre d'excuses stupides, elle les connaissait ; quand on vit dans la rue, on apprend à mentir en toute occasion.

Je me demande pourquoi je m'inquiète autant pour lui. D'accord, il est blessé, mais j'ai vu bon nombre gens à moitié écartelés, gisant dans une ruelle sombre, comme des déchets qu'ils fallait cachés au plus vite. Au début, j'avais commencée par détrousser les cadavres quand mon chant ne me rapportais plus rien. C'était plus simple. Alors là, qu'est ce qui était différent ? C'est sa vie après tout, s'il trempait dans des affaires douteuses, c'était son choix. Un plaie et mon morale se décomposait.

Azami savait très bien que si elle réagissait ainsi, c'était parce que Darugo était devenu quelqu'un de spéciale pour elle. Un ami, comme ceux à qui l'on peut faire confiance à la vie à la mort. Rien à voir avec les petits brigands qu'elle fréquentait auparavant. Elle décida donc de lui demander tout de même de quoi il en retournait. Elle pouvait aussi se taire et faire comme si de rien était, mais elle sentait que ne pas réagir reviendrait à approuver ses péripéties nocturnes. Quand il revint et essaya de détendre l'atmosphère, elle sourit malgré tout. Il était incorrigible, vouloir essayé de faire oublier des choses graves entre deux plaisanteries. Elle redevint sérieuse et lui dit :

"Tu ne pourras pas me mentir éternellement Darugo..."

Ah, il réussissait à la faire sourire. Tant mieux. Il se retourna pour mettre un haut et alors qu'il passait sa tête dans le trou, elle lui répondit. Et zut. Il savait bien qu'elle n'était pas niaise au point de ne pas savoir que ce qu'il disait était faux, mais il espérait qu'elle ne dirait rien. Bon, c'était loupé. Il finit d'enfiler le vêtement après un instant d'arrêt et se tourna vers Azami. Il ne souriait plus, ça ne servait pas à grand chose de toute façon. Il ne savait pas vraiment quoi dire, pour une fois. Il aurait pu dire un mensonge, mais elle aurait su que c'en était un... Et il n'avait pas vraiment envie de lui mentir.

Peut-être devait-il ne rien dire après tout. Ou peut-être devait-il tout lui dire. Ce n'est pas qu'il ne lui faisait pas confiance mais... Il ne pouvait pas, il n'arrivait pas à le dire. Et puis il valait même mieux pour elle qu'elle ne le sache pas. Elle ne s'inquiéterait pas pour lui à chaque fois qu'il disparaissait et... Bon, elle s'inquiétait déjà maintenant, enfin il pensait, mais elle s'inquiéterait encore plus s'il lui disait non ?

Finalement, il ne lui dirait pas. Il s'approcha doucement d'elle et la prit dans ses bras en la berçant lentement. Il parla d'un ton bas et doux.

Alors je ne te mentirai plus... Mais ne t'inquiète pas pour moi.

Il la lâcha et sourit un peu. Bah, il avait dit qu'il ne mentirait plus, mais ce n'est pas pour autant qu'il lui raconterait la vérité. Il esquiverait simplement.

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